Social Anthropology - Robots, AI & Society
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lundi 8 avril 2019

Faire exister les IA, robots, cyborgs : Un nouveau projet humaniste pour l'Europe ?


Journée d'étude
UCLouvain - LAAP
30 avril 2019
9h30-16h

Salle Jean Dabin
2 place Montesquieu
1348 Louvain-La-Neuve

Notre quotidien se peuple progressivement d’une faune tout à fait inédite composée d’entités techniques se déployant du corps au monde : prothèses, montres, vêtements, tablettes, véhicules, habitations... Ces technologies émergentes, auxquelles on prête désormais des capacités « anthropomorphiques » telles que l’intelligence et l’autonomie, modifient nos conceptions du monde et rendent de plus en plus poreuses les catégories héritées de la modernité comme celles de naturel/artificiel, sujet/objet, identité/altérité, etc. En outre, elles nourrissent chez certains la croyance en la possibilité d’altérer et de transformer le corps en un corps posthumain.

L’objectif de ce séminaire interdisciplinaire est d’interroger nos possibles attachements/détachements avec ces nouvelles entités dont le rôle et les performances semblent remettre en cause le modèle humaniste caractéristique de l’identité et de la culture européennes. Devenant intégralement constitutives de l’environnement des humains et médiatrices de leurs relations, il n’est désormais plus possible de considérer ces technologies comme de simples instruments ou des interfaces au service de l’humain. Comment dès lors les faire exister ? Quel statut reconnaitre aux intelligences artificielles, aux robots et aux cyborgs ? Et quelle place leur accorder dans la communauté ?

Avec :
Benoît HERMAN, PhD, Conception de systèmes robotisés d'assistance au geste médical, CREDEM, UClouvain
Nathalie GRANDJEAN, Philosophe, Maitre de conférences, Université de Namur
Joffrey BECKER, post-doctorant, LAS, Paris
Charles PENCE, Professeur de philosophie, UClouvain

https://uclouvain.be

samedi 25 octobre 2014

Journées d'étude sur le geste : « Main, mouvement et émotion »

6 et 7 novembre 2014
Stéréolux, Nantes

D’une simplicité extrême, le geste de la main est là pour marquer toute communication humaine : on se fait signe. Codifié, il devient langage. Esthétisé, il devient source de composition artistique. Comment les technologies numériques peuvent-elles enrichir notre rapport au geste ? Des experts de plusieurs disciplines s’intéresseront au geste de la main à l’ère du numérique, à ses enjeux tant philosophiques que techniques ou esthétiques : Comment le représenter, l’archiver ? Comment cartographier ses transformations en fonction des cultures et des sociétés ? Conférences, débats et workshops en partenariat avec l’Artmap et l’IRRCyN (équipe IVC). 

Inscriptions : http://www.stereolux.org

PROGRAMME 

Jour 1 - Jeudi 6 novembre 
9h30 – 13h00 > Séminaire 
9h30 - Introduction 
10h00 - Baptiste BACOT, Doctorant à l’EHESS : Geste, corps et instrument dans la musique électronique 
10h30 - parole au modérateur 
10h45 - Joffrey BECKER, Anthropologue, Musée du quai Branly / ArtMAP : Polyvalence et dextérité : éléments d'une ethnographie de l'imitation de la main en robotique 
11h15 - parole au modérateur 
11h20 - Harold Mouchère et Christian VIARD, IUT de Nantes Département GEII - IRCCyN/IVC : L'écriture, un micro-geste riche de sens 
11h45 - parole au modérateur 
12 h00 - Pierre GUFFLET, Artiste digital-media, concepteur, programmateur 
12h30 - Stéphane RENNESSON - Modérateur, Anthropologue, chargé de recherches au Laboratoire d'Ethnologie et de Sociologie Comparative 
14h30 – 17h30 > Ateliers 
Objectif des ateliers : Le principe général des ateliers est de penser le geste comme objet de recherche transdisciplinaire : qu’est-ce qu’un geste ? Comment le définir ? Comment tracer son évolution ? L’objectif des ateliers est de fabriquer un outil, d’abord théorique, puis technique ou technologique de « cartographie » du geste. Programme des ateliers 
14h30 - Introduction : Reprise des questions générales soulevées au cours de la matinée par le modérateur dans une dimension technique et technologique. Quelles sont les limites ou les contraintes posées par tel ou tel type d’outil de captation du geste ? 
15h00 – liste de questions et catégories d’accès : Au cours d’une table ronde nous organiserons une reprise des questions posées par les participants durant la matinée. Comment à répondre à tel ou tel intérêt ; tel ou tel croisement interdisciplinaire ? 
16h00 – brainstorming : Organisation de modules de travail (en groupes) en vue de la formulation d’un projet d’outil de notation du geste (captation / écriture). Partant des problèmes concrets posés par chaque expert pour chaque domaine d’expertise : quelles sont les limites théoriques l’outil de captation du geste ? Comment modéliser la représentation graphique du geste ? 
17h00 - synthèse et critique : Exposition des résultats et synthèse pour chaque groupe. Critique du modèle présenté par chaque groupe 

Jour 2 - Vendredi 7 novembre 
10h00 – 12h30 > Séminaire 
10h00 - Julien TOUATI, Danseur chorégraphe, AVS Road Compagny 
10h30 - parole au modérateur 
10h45 - Anne DUBOS, Anthropologue, Visual Artist, AVS Road Compagny : Emergence, captation et analyse du geste : comment interpréter l’hypothèse de la greffe de code (Deleuze) ? 
11h15 - Gaëlle FERRÉ, Maître de Conférences, Faculté des Langues et Cultures Etrangères (FLCE) & Laboratoire de Linguistique de Nantes (LLING) : Geste et parole : interaction entre les différentes modalités d'encodage de l'information 
11h45 - parole au modérateur 
11h50 - Laurent GUIDO, Professeur des Universités,  Le CREAC, Lille III 
14h00 - 17h00 > Ateliers 
Programme identique à celui de la veille

vendredi 19 avril 2013

Humanoïdes, Enquête sur les transformations du corps et des machines


Soutenance de Thèse de Joffrey Becker

Mercredi 24 avril 2013, 9h30 
Musée du quai Branly 
Salle de cours 2 
37, Quai Branly 
75007 Paris 

Avec le début du XXIe siècle, un discours inquiet des relations que nous entretenons avec nos machines a fait son apparition. En permettant d'augmenter notre capacité à agir, la technologie nous ferait courir le risque d'une déshumanisation progressive, à l'endroit même où elle apparaissait constitutive d'une singularisation de l'humain vis-à-vis des autres existants naturels. Elle pose ainsi les bases d'une ambiguïté envers la représentation moderne du corps et de son autonomie, telle qu'elle s'est lentement constituée par référence à la technique et à l'activité mécanique. 

Les robots humanoïdes fournissent un bon exemple de cette ambiguïté. Ces derniers constitueraient un formidable outil pour comprendre le fonctionnement du corps. Mais ils formeraient également la représentation d'une manière de le penser, redéfinissant le cadre des relations entre les sciences, les techniques et la nature, et déplaçant les frontières séparant les corps vivants de leurs imitations mécaniques. Cette relation paradoxale, entre la recherche d'un savoir permettant d'étendre l'expérience du corps humain et une altérité lui étant trop radicalement opposée, fonde ainsi un jeu avec l'image du corps et ses limites. Quelles sont les conditions de ce jeu ? Comment ces images sont-elles conçue ? Comment retiennent-elles notre attention ? Comment réagissons-nous lorsque nous y sommes confrontés ? Et que leur imputons-nous ?  

La notion de performance, malgré les problèmes que soulève sa définition, peut nous aider à aborder ces questions, à la condition toutefois, d'en limiter la portée à une dimension interactionnelle. En effet, en montrant une transformation particulière, constituant autant de représentations composites du corps humain en acte, la performance offre l'occasion d'une réflexion située, renvoyant bien souvent aux conditions d'existence de notre propre corps : une réflexivité, finalement caractéristique de son esthétique, et dont peuvent également relever les machines anthropomorphes. Cette réflexivité encourage à orienter l'enquête sur le caractère situé de l'expérience de la métamorphose, en insistant sur les assemblages particuliers, à la fois humains et matériels, techniques et esthétiques, caractérisant les situations très diverses où les humanoïdes sont produits. 

Ces derniers relèvent en effet de la sphère de la représentation, d'une anthropologie qui rapproche les sciences et les arts à travers l'imitation de la nature. Machines théâtrales, elles s'inscrivent dans l'espace fictionnel de la scène, en figurant des comportements émotionnels à partir de scripts écrits pour elles, en redoublant le paradoxe énoncé par Diderot, en prolongeant le rêve de l'acteur total des théâtres d'avant garde, ou en suscitant, chez le spectateur lui-même, quelque chose des sentiments qu'elles figurent. Elles constituent en cela des outils pour l'expérimentation. Devenant dès lors machines à jouer, à travers les effets d'intelligence qu'ils produisent ou les décisions qu'ils sont parfois en mesure de prendre, les robots nous engagent à chercher dans leurs comportements, et dans les nôtres, les manifestations d'une ressemblance minimale, nécessaire à l'établissement d'une communication. 

Jury : M. Carlo Severi, Directeur d'études à l'EHESS (directeur), Mme Claude Imbert, Professeur à l'ENS (rapporteur), Mme Anne-Christine Taylor, Directeur de recherche au CNRS (rapporteur), M. Denis Vidal, Directeur de recherche à l'IRD

dimanche 9 décembre 2012

L’Homme augmenté : État des lieux et perspectives critiques

Colloque 
Vendredi 14 décembre 2012
Institut des Sciences de la Communication du CNRS
20, rue Berbier du Mets 75013 PARIS
à partir de 9h
Inscription obligatoire (dans la limite des places disponibles) : colloqueHA2012@iscc.cnrs.fr

L'Institut des sciences de la communication du CNRS (ISCC) et le Défi « Insuffisance Perceptive et suppléance personnalisée » (DEFI-SENS) de la Mission pour l'interdisciplinarité du CNRS organisent le vendredi 14 décembre 2012 un colloque sur « L'humain augmenté. État des lieux et perspectives critiques. Perception et représentation de l'humain réparé ou augmenté par hybridation technologique». 

L'objectif de ce colloque est d'analyser et de mettre en perspective le concept d'humain augmenté qui caractérise une utilisation de dispositifs technologiques, souvent embarqués ou implantés, pour accroître les capacités motrices, cognitives, sensorielles, la longévité, etc. de l'être humain. En majorité issus des travaux de la médecine supplétive, ces dispositifs ont aujourd'hui quitté le domaine du soin pour viser à une amélioration de l'individu qui se voit ainsi réduit à un ensemble de fonctions. 

Parallèlement, des discours sur un possible dépassement de l'humanité par la technique se développent et sont largement relayés dans les médias et l'opinion publique comme un horizon souhaitable, voire pour certains, inéluctable de l'avenir de l'espèce humaine. 

Si l'augmentation est aussi ancienne que le premier outil réalisé par la main de l'homme, la prégnance des techniques sur l'époque contemporaine conduit à une accélération de la machinisation de l'humain. Alors que dans le même temps, il existe une réflexion sur cette thématique qui n'est pas suffisamment audible. Ce colloque a pour ambition de réunir, de structurer et de donner une visibilité à la communauté de recherche qui travaille sur cette question dans les domaines des sciences cognitives, des sciences de la communication et des sciences humaines et sociales. Il a vocation à faire émerger des problématiques et des projets amenés à être poursuivis dans les prochaines années en élargissant encore l'éventail disciplinaire.

Plus d'informations : http://www.iscc.cnrs.fr/spip.php?article1668

PROGRAMME

9h-10h
OUVERTURE DU COLLOQUE
Par Dominique WOLTON, directeur de l’ISCC
Présentation MI-DEFI-SENS par Pascal SOMMER, coordinateur du DEFI-SENS
Introduction scientifique par Jacques PERRIAULT, conseiller scientifique à l’ISCC


10h-11h40 : Table ronde no 1
CULTURES, INVARIANTS ET REPRÉSENTATIONS COLLECTIVES DE L’HUMAIN AUGMENTÉ
Introduction par Stamatios TZITZIS, Institut d’histoire du droit, Université Paris 2
François DINGREMONT, Laboratoire d’anthropologie et histoire des mondes antiques, CNRS-EHESS
Augmentation humaine dans la Grèce antique : charis et tekhnè
Carole HOFFMANN, Laboratoire de recherche en audiovisuel, Université Toulouse 2
Corps prothésé, corps hybridé : du réseau à la peau du monde
Sylvie ALLOUCHE, Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques, CNRS-ENS-Université Paris 1, University of Bristol
Amplifications sensorielles : arts, sciences et fictions
Discussion
Conclusion par Jean-Michel BESNIER, Centre de recherche en épistémologie appliquée, CNRS-École Polytechnique
11H40-12H
RESTITUTION DU GROUPE DE TRAVAIL « INTÉGRATION CORPORELLE DE LA TECHNIQUE »
Par Marina MAESTRUTTI, Centre d’études des techniques des connaissances et des pratiques, Université Paris 1

Déjeuner

13h-15h : Table ronde no 2
INTÉGRATION CORPORELLE ET COGNITIVE DES SUPPLÉANCES TECHNOLOGIQUES
Introduction par Jean-Louis VERCHER, Institut des sciences du mouvement, CNRS-Université Aix-Marseille
Barthélémy DURRIVE, Centre d’études en rhétorique, philosophie et histoire des idées, ENS Lyon
Fonctionnement, usage et perception d’un corps sans mode d’emploi
Clémence MARTIN, Laboratoire d’éco-anthropologie et ethnobiologie, MNHN-CNRS
Augmenté, dilaté, rétracté : quand le corps éprouve des difficultés à « s’auto-greffer » des technologies complexes
Éric BRANGIER, Laboratoire InterPsy, ETIC, Université de Lorraine-Metz
Trois dimensions psychologiques associées à la symbiose de l’homme et de la machine
Maxime DERIAN, Centre d’études des techniques des connaissances et des pratiques, Université Paris 1
Dispositifs implantés ou détachables : Une comparaison anthropologique
Discussion
Conclusion par Jean LORENCEAU, Relais d’information sur les sciences de la cognition, CNRS-ENS-Université Paris 5 et Benoît LE BLANC, École nationale supérieure de cognitique de Bordeaux

Pause

15h15-17h15 : Table ronde no 3
ENJEUX IDENTITAIRES, NORMATIFS, ÉTHIQUES ET SOCIÉTAUX
Introduction par Xanthie VLACHOPOULOU, Laboratoire de psychologie clinique et de psychopathologie, Université Paris 5
Benoît WALTHER, Association de personnes concernées par des malformations congénitales de membre
Appareiller un membre absent à la naissance : fonction de la prothèse
Joffrey BECKER, Laboratoire d’anthropologie sociale, CNRS-EHESS
La mécanisation du lien social
Thierry JANDROK, laboratoire Subjectivité, lien social et modernité, Université de Strasbourg
Dispositifs prothétiques : intégration et conflits
Jean-Paul CALLÈDE, Groupe d’étude des méthodes de l’analyse sociologique de la Sorbonne, CNRS-Université Paris 4
Les sportifs bioniques : entre logique réparatrice et tentation transgressive
Discussion
Conclusion par Colin SCHMIDT, laboratoire Arts et Métiers ParisTech d’Angers, ENSAM-Paristech et Bernard ANDRIEU, Faculté du sport, Université de Nancy


17h15-18h
CONCLUSION, SYNTHÈSE ET PERSPECTIVES
Synthèse et Perspectives par Jean GAYON, Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques, CNRS-ENS-Université Paris 1
Conclusion par Sandra LAUGIER, Institut des sciences humaines et sociales du CNRS 

mardi 23 octobre 2012

Arts de la guerre ? (suite)

Pal Sujan, Exposition Landes - Kriegfürsorge, 1917

L'exposition 1917 qui s'est tenue tout au long de l'été au Centre Pompidou de Metz inaugure le prochain centenaire de la première guerre mondiale. Exposition dense, associant les militaria à la peinture, la sculpture aux prothèses, les arts, les sciences et les techniques, pour montrer aux visiteurs toute la complexité de la seule année 1917, on y trouve également quelques éléments invitant à réfléchir à la radicalisation de la représentation moderne de l'Homme mécanique et, par conséquent, au contexte qui verra naitre le terme robot au tout début des années 1920. 

Jusqu'alors, la représentation de l'Homme-machine tenait de l'objet merveilleux, représentation divertissante d'un corps animal ou humain illustrant des connaissances longuement acquises. Mais avec la guerre, cette représentation va prendre directement corps. Les corps sont désormais équipés, appareillés, augmentés de pièces d'artillerie, de transmetteurs radio, de lances-flammes, d'avions, de chars et de masques pour résister à la violence extrême des combats et s'engager mécaniquement dans l'assaut. "Ce sont les mêmes gestes aux mêmes endroits, écrira ainsi Fernand Léger dans une lettre adressée à Louis Poughon en 1915, c'est une mécanisation, dont toute émotion est exclue" ; un cycle implacablement recommencé, qu'illustrera Otto Dix dans Der Krieg plus d'une dizaine d'année après la fin des combats.

Henri Montassier, L'Heure a découvert la machine à finir la guerre, 1917
Cette guerre, ajoute Léger, est aussi un laboratoire des limites de l'expérience du corps humain. Augmentation, résistance, transformation, mutilation, réparation, résilience, la guerre exige beaucoup des corps qu'elle mobilise. Elle exige également beaucoup des sociétés qui s'y sont engagées, en mécanisant les corps sur les lignes de production d'armement, et la représentation artistique elle-même. La mise en pièce du corps a en réalité débuté un peu plus tôt dans la peinture d'avant-garde. Mais la guerre est l'occasion d'une conjonction bien réelle entre le monde humain et celui des machines, qui fera jusqu'à sortir le cubisme de son cadre comme le note encore Léger observant Verdun. À la mécanisation des corps, s'ajoute une vitalisation des machines. Dans le monde mort du front, un avion allié devient un papillon, un mortier une grand-mère. Dans l'image, le mythe d'un corps artificiel s'illustre avec Voici la fille née sans mère de Francis Picabia (1916-1917), celui de la statue animée est évoqué par les mannequins chez De Chirico. Les allers et retours entre mécanomorphisme et anthropomorphisme traversent également le dessin de presse, la caricature, le théâtre ou la littérature.

Luc By, Le rêve de l'inventeur, 1917
Cette confusion du corps et de la machine se constitue en réalité de manière doublement paradoxale, non seulement à travers une opposition entre la mécanisation des corps et la vitalisation des machines, mais également entre la satire et la glorification. Le corps-machine moderne devient un but que l'art (la peinture mais aussi le théâtre ou la danse) doit par exemple permettre d'atteindre. Marinetti, dans le Manifeste de la danse futuriste (1917) affirmera ainsi "[qu']il faut imiter le geste, les mouvements des moteurs, faire une cour assidue aux volants, aux pistons, préparer la fusion de l'homme et de la machine et arriver ainsi au métallisme de la danse futuriste." Avec L'esprit de notre temps (tête mécanique) en 1919, puis dans un texte de 1921 appelé Économie de prothèses, Raoul Hausmann formulera une critique très vive de la pensée mécaniste dominante. Cette critique est également palpable dans l'œuvre d'Otto Dix à la même période. Les humains s'y réparent jusqu'à l'absurde. Dans un contexte qui a alors gardé de la guerre un très vif intérêt pour la production industrielle en série et le synchronisme du travail à la chaîne, le corps-machine forme la condition préalable d'une utopie mais aussi d'une dystopie.

On peut imaginer en quoi l'anthropologie qui se dessine, à la suite de cette première guerre moderne, trouve dans nos inquiétudes contemporaines un écho bien familier. La technologie, dans son rapport au corps, y occupe à la fois un rôle salutaire et une menace. Au moment où nombre de chercheurs s'interrogent sur ce que la technologie fera de l'humain, en nous augmentant au risque que nous perdions notre humanité, le souvenir de la Grande Guerre n'aura sans doute pas fini de nous opposer ses fantômes.

Pour aller plus loin : 
Livres : Claire Garnier, Laurent Le Bon, 2012, 1917, Centre Pompidou - Metz - sur Amazon.fr
Les cahiers du Musée d'art moderne - Hors série, 1990, Fernand Léger - Une correspondance de guerre, Centre Georges Pompidou

lundi 15 novembre 2010

Arts de la Guerre ?

Alfred Crimi illustre l'article Mechanical Brains, Life Magazine, 24 Jan. 1944, p. 66


En parcourant le numéro du 24 janvier 1944 du magazine Life, on peut facilement se rendre compte que l'esthétique futuriste participe de la médiatisation de l'effort de guerre américain. Y sont abordés, dans les images, les grands thèmes du manifeste de 1909, l'audace et le danger, le mouvement agressif, la glorification de la vitesse, du train, de l'industrie, du travail, du patriotisme, de la guerre. 


C'est notamment le cas avec ce dessin qu'Alfred Crimi consacre à la tourelle ventrale du bombardier B-17, conçue par la société Sperry pour laquelle il travaille alors. David Mindell note que le travail de Crimi consiste en une manière de confondre le corps humain et la machine par le biais de l'image. Dans ce travail, souligne-t-il, l'opérateur humain est cerné par la machine, il est intime avec elle, il devient la machine. 


On souligne souvent que l'usage de plus en plus récurrent de drones ou de robots télécommandés en tout genre annoncent la manière dont on fera la guerre demain. Or si l'on regarde d'un peu plus près l'imagerie de la seconde guerre mondiale, mais également les grandes innovations techniques qui accompagnent les premières minutes de la cybernétique, on comprend que cette guerre de robots et de cyborgs a en fait déjà eu lieu ; que cette forme de projection dans le futur serait donc aussi composée du souvenir de l'histoire tragique de la fusion du corps et de l'acier.


Scaphandre Carmagnolle
1882
Quoi de moins étonnant après tout. Voir en effet une quelconque nouveauté dans cette fusion résulterait d'une méprise quand à la longue histoire des relations des humains et des machines. Ce serait oublier, par exemple, comment le costume du scaphandrier a permis à l'humain d'étendre son domaine d'action au-delà des seuls lieux de son existence. 


Cette image de la fusion de l'humain à l'objet technique serait finalement celle de sa lutte sans merci contre les limites d'une condition. Cette lutte ferait de l'image futuriste de la fusion de la machine et du corps le moyen même de sa survie. Banale, cette image où l'humain dans la machine chercherait son égal, dans le surhomme ou dans les figures de sa fantaisie, comme l'a écrit Schlemmer.


Quel théâtre pourtant que celui-là ? Théâtre des limites ? Ontologique ? À trop considérer les prothèses techniques, on oublierait trop rapidement que les images de la survie sont également des mises en scène de la mort. À trop considérer la technique on oublierait le drame ; ce théâtre, malheureusement bien réel, dont les futuristes ont un temps oublié l'histoire.


Pour aller plus loin :
Livre: David Mindell, 2004, Between human and machine : feedback, control, and computing before cybernetics, John Hopkins University Press - sur Amazon.fr

lundi 27 septembre 2010

Vers la fin du handicap ?

Vers la fin du handicap ?
Pratiques sportives, nouveaux enjeux, nouveaux territoires
Edité par Joël Gaillard, Bernard Andrieu 

Le club, l'école sont des micro-sociétés, des endroits de socialisation dans lesquels se réalise l'apprentissage de la relation à l'autre. La personne handicapée est un individu qui occupe une position socialement reconnue comme extérieure, différente voire inférieure par rapport à celle des autres membres de la collectivité. En fait, elle subit un phénomène d'exclusion sociale. Considérant l'ambigüité et l'indétermination dans lesquelles se trouve placée la question de l'intégration des personnes handicapées « entre inclusion souhaitée et pratiquée et exclusion (mise à l'écart), constatée, rédhibitoire » et à partir de nos expériences d'accompagnement sportif, l'ambition de cet ouvrage et de penser une meilleure approche de différentes notions telles que l'exclusion, le territoire. Cet ouvrage se propose d'établir des constats sur la réalité de l'intégration par le sport, à travers les politiques et les dispositifs mis en place pour favoriser ce phénomène. Ce sont ces aspects particuliers pris en compte dans la loi du 11 février 2005 que nous abordons dans une première partie.

La virtualisation des corps aujourd'hui est une nouvelle étape dans la fin du concept de handicap. En devenant hybride, le corps du sujet se libère de la contrainte naturelle en intégrant la communauté des corps métissés. Le concept d'hybride ne se réfère plus au monstre, à l handicapé, à l'infirme car il intègre le fauteuil, la greffe ou la technologie dans le fonctionnement même du corps. Le schéma corporel de l'hybride constitue une expérience propre, efficace et fonctionnelle qui doit être décrite en première personne afin de comprendre les modifications de l'image du corps, de l'estime de soi, des performances du corps hybride. De nouveaux enjeux se dessinent alors, c'est tout l'enjeu de la deuxième partie de cet ouvrage.

Sommaire

Chapitre I : Introduction générale
Patrick GOHET — Le sport : moyen d'autonomie et d'insertion
Bernard ANDRIEU — La fin du handicap ? De la stérilisation à l'hybridation
Joël GAILLARD — Le sport joue-t-il un rôle dans l'insertion des personnes handicapées ?
Henri-Jacques STIKER — Regard social sur les pratiques sportives
David LE BRETON — Le corps comme materia prima
Georges VIGARELLO — De l'orthopédie à la gymnastique

Chapitre II : L'intégration de l'élève handicapé en EPS
Michaël ZICOLA — Corps, éducation physique et situation de handicap
Guillaume LECUIVRE — EPS et handicap, regards historiques
Arnaud LACAILLE — Des dispositifs « ouverts » sur l’établissement scolaire

Chapitre III : Juridiciarisations du handicap
Christian HASSENFRATZ — Le handicap face au droit
Jérôme BERNARD — Droit pénal et perception de la personne handicapée
François BRUNET — Programme « sport santé » en direction des détenus âgés ou en perte d’autonomie
Omar ZANNA — Existe-t-il des douleurs socialisantes ?

Chapitre IV : Les politiques régionales et européennes
Thorsten AFFLERBACH — Intégration des personnes handicapées, activités du Conseil de l’Europe
Jean-Marie SCHLÉRET — L’impulsion de la loi 2005
Valérie ROSSO-DEBORD — La loi du 11 février 2005
Ludovic MARTEL — La prise en compte des personnes handicapées dans les politiques publiques sportives
Aurélie COMETTI — Pratiques sportives associatives et handicaps
Guillaume RICHARD et Gil DENIS — Plateforme d’innovation ouverte et handicap : le projet « Living Lab » de Nancy
Maria BLASCO YAGO — Les politiques sportives espagnoles

Chapitre V : Pratiques sportives, métiers du sport et handicaps
Isabelle QUEVAL — Corps sportif et handicap : corps « naturel », corps « dénaturé », « surnature » du corps
Gilles BUI-XUAN et Jacques MIKULOVIC — Le paradoxe nutritionnel chez les personnes handicapées mentales. Obésité et activités physiques et sportives chez les enfants et les adultes en situation de handicap mental
Roy COMPTE — Le sport comme pratique sociale signifiante pour les personnes handicapées mentales : intégration et citoyenneté en débat
Jean-Philippe VERNAT — Pratique sportive et situation de cécité
François BRUNET, Cédric BLANC, Anne-Catherine MARGOT — Activités motrices et sensorielles des personnes en situation de handicap sévère. De l’isolement à la participation sociale
Dominique LAVISSE — Réduction de la situation de handicap et personnes lourdement handicapées motrices dans le domaine des activités physiques. L’exemple du tir à l’arc
Jacques DE LA TAILLE — Les facteurs de réussite de l’intégration, approche méthodologique

Chapitre VI : Les nouvelles approches
Kevin WARWICK — Robots with Biological Brains and Humans with Part-Machine Brains
Larry DUFFY — Orthopedie, gymnastique, hypodermie : redresser le corps chez Flaubert, Maupassant, Zola.
Pierre ANCET — L’emblématisation du corps handicapé et du corps augmenté
Marianne CLOUTIER — De la greffe et de l’hybridation comme lieu d’interrogation identitaire
Simone ROMAGNOLI — Identité personnelle, corps et changement. De l’intrus à l’hybridation
Biliana VASSILEVA-FOUILHOUX — Mouvement réel / mouvement virtuel : le cas d’un idori
Axel GUÏOUX, Evelyne LASSERRE, Jérôme GOFFETTE — Mobilis Immobile Usages des Nouvelles Technologies, expériences vidéo ludiques et situations de handicap
Simone ROMAGNOLI et Armin KRESSMANN — Amélioration humaine et handicap
Antonio A. CASILLI — Technologies capacitantes et « disability divide ». Enjeux des usages numériques dans les situations de handicap
Denis VIDAL — Anthropologie et nouvelle robotique : la redistribution
Joffrey BECKER — Le robot-chimère : ambigüités et continuités ontologiques chez les humanoïdes
Olivier SIROST — L’imaginaire SF dans les comics : du handicap au corps surnaturé
Judith NICOGOSSIAN — L’évolution du corps humain en cybernétique : plus proche d’un modèle lamarckien?
Mael LE MÉE — Les Organes de Confort de l’Institut Benway