Social Anthropology - Robots, AI & Society
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dimanche 26 septembre 2021

Que prêtons-nous aux machines ?



Que prêtons-nous aux machines ? 

Approches interdisciplinaires des interactions homme-robot

Coordination éditoriale : Collectif PsyPhINe 

Presses universitaires de Nancy - Editions Universitaires de Lorraine

242 p.


Nous sommes actuellement submergés par les « révolutions » technologiques, plus particulièrement par l'intelligence artificielle et la robotique, notions larges et souvent floues pour le grand public. Entre réussites et fantasmes, promesses et inquiétudes, ces technologies semblent destinées à bouleverser nos quotidiens, du travail jusqu’à l’intime. Cet ouvrage prend le temps de croiser des regards, parfois critiques, sur ces avancées et leurs perceptions par le public.


Sommaire

Introduction

Avoir, attribuer et exprimer des intentions par Valérie Aucouturier

L'émotion comme condition interactionnelle par Christian Plantin

L'origine de la méfiance à l'égard des robots : que nous dit la psychologie par Jérôme Dinet 

L'anthropomorphisme à l’aune de la robotique par Joffrey Becker

Le paradigme de l’alignement pour modéliser l’inter-subjectivité dans un robot par Alexandre Pitti

Vers une intelligence socio-emotionnelle artificielle des systèmes interactifs par Magalie Ochs

L’interaction non-verbale : un vecteur de communication homme/robot par Arnaud Revel

Des balbutiements à DECIDE : les tribulations de la lampe Psyphine par Virginie André, Yann Boniface

Dans la fabrique de l’intériorité : une exploration des façons d’être et des registres expressifs des objets à comportement par Florent Levillain, Samuel Bianchini, Didier Bouchon, Cécile Bucher, Aurélie Hoegy, Raphaëlle Kerbrat, Selma Lepart, Filipe Pais, Olivain Porry

Conclusion

https://www.lcdpu.fr/livre/?GCOI=27000100824270&fa=description


jeudi 4 juin 2020

Concevoir des machines anthropomorphes



*

Becker Joffrey, « Concevoir des machines anthropomorphes. Ethnographie des pratiques de conception en robotique sociale », Réseaux, 2020/2 (N° 220-221), p. 223-251

Résumé : À partir de deux cas extraits de l’ethnographie, cet article propose d’étudier comment s’articulent les approches théoriques et les techniques mobilisées en robotique pour concevoir des interfaces relationnelles. En revenant sur l’intérêt des roboticiens pour la biologie et le théâtre, l’article questionne la façon dont ces derniers s’y prennent pour tenter de faciliter les relations que nous pouvons avoir avec leurs objets. Il porte plus particulièrement l’attention sur les opérations de transfert par lesquelles les chercheurs en robotique intègrent des comportements à leurs robots afin d’apporter un point de vue complémentaire au champ de l’anthropologie des interactions humain-machine, qui prenne en compte les pratiques de conception. 

*

Becker Joffrey, « Designing anthropomorphic machines : An ethnography of design practices », Réseaux, 2020/2 (N° 220-221), p. 223-251

Abstract : Drawing on two case studies, this article examines the interrelations between the theoretical and technical approaches used in robotics to design relational interfaces. Investigating robotics engineers’ interest in biology and theatre, it examines the ways in which they attempt to facilitate humans’ relationships with robots. In particular, it focuses on a process of transference whereby robotics researchers integrate behaviours into their robots. It thus provides a complementary perspective to the anthropology of human-machine interactions that takes design practices into account.

URL : https://www.cairn.info/revue-reseaux-2020-2-page-223.htm

mardi 12 février 2019

QUALCOM : Une expérience sur la qualification des comportements d’une lampe robotique

Joffrey Becker, Virginie André & Alain Dutech

Techniques & Culture

Varia

Beaucoup de roboticiens restent aujourd’hui convaincus que l’humanisation des machines permettra de faciliter la communication entre les humains et les objets qu’ils conçoivent. Or, malgré leurs efforts pour saisir les éléments de base permettant de construire une relation naturelle avec eux, les robots dits sociaux restent toujours marqués par l’étrangeté. Partant d’une expérience, nous étudierons les commentaires suscités par l’activité d’une lampe robotisée. Cette étude permettra de montrer de manière plus claire comment ses mouvements sont interprétés, en quoi consiste sa nature et comment celle-ci est soumise à une forte variation dans le temps même de l’interaction. À travers un exercice difficile de reconstruction du sens auquel les participants de l’expérience se prêtent de bon gré, nous verrons qu’une telle interaction implique pour eux la mise en œuvre non pas d’une pensée qui viendrait projeter sur le mouvement perçu un caractère d’emblée humain mais dépendant plutôt d’un ensemble complexe d’analogies.

À lire en ligne sur le site de la revue Techniques & Culture : http://journals.openedition.org/tc/10771

jeudi 17 janvier 2019

Éléments pour une anthropologie de la robotique

Le robot Kismet, MIT Museum, 2015. Photo: J. Becker
Dossier Anthropologie de la vie et des nouvelles technologies

Coordonné par M. Meyer et P. Pitrou

Techniques & Culture

Cet article propose de revenir sur le programme ouvert par l’anthropologie de la robotique en s’intéressant plus particulièrement aux travaux de Stefan Helmreich, de Lucy Suchman, d’Emmanuel Grimaud, et de Denis Vidal. Entre anthropologie de la vie artificielle, interactions humain-robot et ethnographie expérimentale, ces travaux montrent de quelle manière l'étude des pratiques roboticiennes s’inscrit dans les problématiques abordées par l’anthropologie de la vie. En effet, à travers la construction des robots et les diverses façons dont ils s’animent, se mettent en route des agencements sociaux et culturels complexes qui participent directement des représentations de la vie. En permettant de jouer avec les frontières du vivant, de les transgresser, ou au contraire de les réaffirmer, le projet ontologique sous-jacent à la robotique rejoue ainsi une grande constante des rapports qu'ont les humains avec leurs technologies mais aussi avec la vie elle-même.

À lire en ligne sur le site de la revue Techniques & Culture : https://journals.openedition.org/tc/10214

vendredi 13 octobre 2017

Matières à penser avec Serge Tisseron

Pour un robot qui n’imite pas l’humain, mais le théâtralise
France Culture

Serge Tisseron s'entretient avec Joffrey Becker, anthropologue, spécialiste de la robotique dite sociale, et chercheur affilié au Laboratoire d'Anthropologie Sociale (LAS / EHESS). 
Alors que beaucoup de chercheurs pensent que la clé de l’acceptabilité des robots résiderait dans une morphologie et des capacités d’interaction qui imitent l’humain, l’ethnologue Joffrey Becker penche au contraire pour le théâtre et l’esthétique. Pour lui, le robot ne devra pas imiter l’humain, mais au contraire théâtraliser les comportements humains, et il devra le faire avec grâce. Le robot de l’avenir sera souple, dansant et fluide, et il pourra pour cela emprunter au monde des poissons, des oiseaux, des insectes, des araignées, voire des plantes…

lundi 17 avril 2017

mardi 18 octobre 2016

Projections, Interactions, Emotions - Journées PsyPhINe 2016

Projections, Interactions, Emotions - Journées PsyPhINe 2016
13-14 décembre 2016
Nancy, MSH Lorraine (salle internationale)

Nous sommes de plus en plus souvent invités à entrer en relation avecdes robots ou des machines, que ce soit à des fins pratiques(thérapeutiques, professionnelles, scientifiques) ou ludiques. Mais quelest ce type de relation, qui semble dépasser rapidement le simple usage fonctionnel, la réaction automatique et l’action mécanique, pour s’ouvrir à quelques interactions lors desquelles nous tentons d’interpréter le comportement de ces machines? Nous leur attribuons des intentions, une certaine forme de volonté, parfois même des émotions, tout en reconnaissant par ailleurs leur caractère d’objets construits, programmés par des hommes. Est-il donc légitime de parler d’interaction, et si oui, dans quelles conditions, selon quels critères? L’aspect humanoïde de la machine est-il nécessaire pour que nous soyons enclins à lui prêter des états mentaux? N’est-ce pas parce que nous reconnaissons déjà, dans le robot, une certaine disposition à communiquer avec nous que nous tentons ensuite de le comprendre, de décrypter ses attitudes? Et si nous acceptons de l’humaniser en lui trouvant des airs curieux, en le jugeant sympathique, hautain ou facétieux, pourquoi refuser de le considérer aussi comme intelligent, doté de conscience et d’attention à l’autre? Une machine "artificiellement intelligente"? Qu’est-ce que cela change à l’ensemble de nos échanges (sociaux, juridiques, affectifs)?

Informations, programme et résumés
http://poincare.univ-lorraine.fr/fr/manifestations/psyphine-2016

Entrée libre, inscription obligatoire
http://poincare.univ-lorraine.fr/fr/inscription-journees-psyphine-2016

jeudi 7 janvier 2016

Conférence-dédicace, Joffrey Becker & Zaven Paré

Mercredi 27 janvier à 19h
Médiathèque George Sand 
7 Rue de Mora, 95880 Enghien-les-Bains
Exposition du 27 Janv. au 26 Mars 2016
Entrée libre

Faut-il que les robots nous ressemblent ? Que gagne-t-on à cultiver la confusion entre l’homme et la machine ou comment faire pour la dépasser ? Ce sont autant de questions que nous pose de manière cruciale l’artiste Zaven Paré au travers de l’exposition « Robot Cobayes » présentée à la médiathèque George-Sand du 27 janvier au 26 mars 2016, autour de documents photographiques, de croquis et d’enregistrements filmés dans des laboratoires de robotiques japonais.

Afin de comprendre la singularité des robots, au sein des laboratoires du Robot Actors Project de l’université d’Osaka et de l’Institut de recherche ATR de Kyoto, il faut les observer, encadrés par un double héritage, celui des sciences mais aussi celui des arts. Zaven Paré, artiste expérimentateur, observe non seulement la manière dont nous nous attachons aux robots (quasiment malgré nous) mais aussi cette étrange mise en scène de machines qui nous ressemblent parfois étrangement.

L’exposition de Zaven Paré est doublée d’un volet au Centre des arts • Mecatronic (15 janv. > 20 mars 2016)

http://www.georgesand95.fr/georgesand95.fr/cms/articleview/id/388

jeudi 26 novembre 2015

Tentatives, Tentations, Intentions - Journées PsyPhINe 2015

Tentatives, Tentations, Intentions - Journées PsyPhINe 2015 
Mardi 15 décembre 2015 - 12:30 - Mercredi 16 décembre 2015 - 13:00 
Nancy, MSH Lorraine (salle internationale) 

Si l’interaction homme/robot cognitif conduit naturellement à des questions d’interprétation du comportement du robot (attribution ou non d’intelligence, d’intentionnalité et d'émotions par le sujet, degrés de confiance dans le dispositif technique), la gradation des attributions dépasse de loin ce seul type d'interaction. De notre appréhension des mouches à celle des chats, l'intersubjectivité ainsi que notre tendance naturelle à l'anthropomorphisme semblent jouer des rôles centraux : dans certains cas, mais pas dans tous, et selon les contextes, nous projetons dans l'autre énormément de notre propre cognition, nous tentons et sommes tentés d’attribuer des intentions. Les conditions de l’attribution d’intentions et de conscience paraissent liées à celles de l’émergence d’une interaction. L’atelier vise à confronter les approches de différentes disciplines (Intelligence artificielle, psychologie,anthropologie et philosophie) sur ces questions, comme plus généralement sur la cognition, l’intelligence et l’intentionnalité. L'atelier sera également l'occasion d'une discussion autour des travaux et expérimentations en cours et à venir dans le cadre du projet PsyPhINe. 

Programme et inscriptions : http://poincare.univ-lorraine.fr/fr/manifestations/tentatives-tentations-intentions-journees-psyphine-2015

lundi 23 février 2015

Quand les robots assemblent les humains

Quand les robots assemblent les humains 
Joffrey Becker 
Conférences du LASC 
Mardi 24 février 2015 de 18h15 à 20h15
ULg 
Salle Wittert 
Place du XX août  
4000 Liège 

Beaucoup de robots construits aujourd'hui s'inscrivent dans une démarche visant à comprendre les fonctions des organismes vivants qu'ils imitent. Cette robotique bio-inspirée cherche ses modèles un peu partout dans la nature. Or les formes d'imitations auxquelles elle donne lieu ne parviennent quasiment jamais à nous tromper sur les principes qui animent ces curieux objets. Les humanoïdes, par exemple, nous engagent dans des relations qui, bien qu'elles en prennent la forme, ne consistent pas en des rapports sociaux ordinaires. Ces relations impliquent en réalité des modes de communication d'un genre particulier, portant moins sur le contenu des messages qui y sont échangés que sur la possibilité même de communiquer. À travers l'étude de cas extraits d'une ethnographie conduite au plus près de l'activité des roboticiens, on se demandera si les relations que nous entretenons avec ces machines ne favorisent finalement pas une forme particulière de spécification ; une façon pour les humains de penser leur humanité. 

Lien : http://www.lasc.ulg.ac.be/index.php/activ/conferences-du-lasc

mardi 22 juillet 2014

Cultures-Kairos n°3

Geminoid F, Tokyo Festival, Owl Spot Theater (© Zaven Paré, 2010)

Cultures-Kairos n°3
Métamorphoses digitales : Expérimentations esthétiques et construction du sensible dans l'interaction humain-machine
Juillet 2014


SOMMAIRE
Présentation 
Thema 
Joffrey BECKER, Esthétique réflexive, Quand les humains se regardent dans les yeux d'une machine
Zaven PARÉ, Effets de présence : relations hommes-androïdes
Rafael MALHÃO, Ritmo, gesto e materialidade : notas etnográficas sobre papel da tecnologia na formação de DJs de MEP
Catarina Carneiro de SOUSA, Meta_Body — um projecto artístico de construção de avatares enquanto partilha criativa
Portfolio
Catarina Carneiro de SOUSA, Meta_Body
Zaven PARÉ, Geminoid 
Varia 
Mônica Medeiros RIBEIRO, Processos de ressonância e imitação verdadeira : operadores da autonomia e identidade na experiência de ensino-aprendizagem de práticas corporais 
Recension 
Romain LOUVEL, T.J. Demos, Return to the Postcolony : Specters of Colonialism in Contemporary Art, Sternberg Press, Berlin, 2013, 176 pages

vendredi 19 avril 2013

Humanoïdes, Enquête sur les transformations du corps et des machines


Soutenance de Thèse de Joffrey Becker

Mercredi 24 avril 2013, 9h30 
Musée du quai Branly 
Salle de cours 2 
37, Quai Branly 
75007 Paris 

Avec le début du XXIe siècle, un discours inquiet des relations que nous entretenons avec nos machines a fait son apparition. En permettant d'augmenter notre capacité à agir, la technologie nous ferait courir le risque d'une déshumanisation progressive, à l'endroit même où elle apparaissait constitutive d'une singularisation de l'humain vis-à-vis des autres existants naturels. Elle pose ainsi les bases d'une ambiguïté envers la représentation moderne du corps et de son autonomie, telle qu'elle s'est lentement constituée par référence à la technique et à l'activité mécanique. 

Les robots humanoïdes fournissent un bon exemple de cette ambiguïté. Ces derniers constitueraient un formidable outil pour comprendre le fonctionnement du corps. Mais ils formeraient également la représentation d'une manière de le penser, redéfinissant le cadre des relations entre les sciences, les techniques et la nature, et déplaçant les frontières séparant les corps vivants de leurs imitations mécaniques. Cette relation paradoxale, entre la recherche d'un savoir permettant d'étendre l'expérience du corps humain et une altérité lui étant trop radicalement opposée, fonde ainsi un jeu avec l'image du corps et ses limites. Quelles sont les conditions de ce jeu ? Comment ces images sont-elles conçue ? Comment retiennent-elles notre attention ? Comment réagissons-nous lorsque nous y sommes confrontés ? Et que leur imputons-nous ?  

La notion de performance, malgré les problèmes que soulève sa définition, peut nous aider à aborder ces questions, à la condition toutefois, d'en limiter la portée à une dimension interactionnelle. En effet, en montrant une transformation particulière, constituant autant de représentations composites du corps humain en acte, la performance offre l'occasion d'une réflexion située, renvoyant bien souvent aux conditions d'existence de notre propre corps : une réflexivité, finalement caractéristique de son esthétique, et dont peuvent également relever les machines anthropomorphes. Cette réflexivité encourage à orienter l'enquête sur le caractère situé de l'expérience de la métamorphose, en insistant sur les assemblages particuliers, à la fois humains et matériels, techniques et esthétiques, caractérisant les situations très diverses où les humanoïdes sont produits. 

Ces derniers relèvent en effet de la sphère de la représentation, d'une anthropologie qui rapproche les sciences et les arts à travers l'imitation de la nature. Machines théâtrales, elles s'inscrivent dans l'espace fictionnel de la scène, en figurant des comportements émotionnels à partir de scripts écrits pour elles, en redoublant le paradoxe énoncé par Diderot, en prolongeant le rêve de l'acteur total des théâtres d'avant garde, ou en suscitant, chez le spectateur lui-même, quelque chose des sentiments qu'elles figurent. Elles constituent en cela des outils pour l'expérimentation. Devenant dès lors machines à jouer, à travers les effets d'intelligence qu'ils produisent ou les décisions qu'ils sont parfois en mesure de prendre, les robots nous engagent à chercher dans leurs comportements, et dans les nôtres, les manifestations d'une ressemblance minimale, nécessaire à l'établissement d'une communication. 

Jury : M. Carlo Severi, Directeur d'études à l'EHESS (directeur), Mme Claude Imbert, Professeur à l'ENS (rapporteur), Mme Anne-Christine Taylor, Directeur de recherche au CNRS (rapporteur), M. Denis Vidal, Directeur de recherche à l'IRD

mardi 23 octobre 2012

Arts de la guerre ? (suite)

Pal Sujan, Exposition Landes - Kriegfürsorge, 1917

L'exposition 1917 qui s'est tenue tout au long de l'été au Centre Pompidou de Metz inaugure le prochain centenaire de la première guerre mondiale. Exposition dense, associant les militaria à la peinture, la sculpture aux prothèses, les arts, les sciences et les techniques, pour montrer aux visiteurs toute la complexité de la seule année 1917, on y trouve également quelques éléments invitant à réfléchir à la radicalisation de la représentation moderne de l'Homme mécanique et, par conséquent, au contexte qui verra naitre le terme robot au tout début des années 1920. 

Jusqu'alors, la représentation de l'Homme-machine tenait de l'objet merveilleux, représentation divertissante d'un corps animal ou humain illustrant des connaissances longuement acquises. Mais avec la guerre, cette représentation va prendre directement corps. Les corps sont désormais équipés, appareillés, augmentés de pièces d'artillerie, de transmetteurs radio, de lances-flammes, d'avions, de chars et de masques pour résister à la violence extrême des combats et s'engager mécaniquement dans l'assaut. "Ce sont les mêmes gestes aux mêmes endroits, écrira ainsi Fernand Léger dans une lettre adressée à Louis Poughon en 1915, c'est une mécanisation, dont toute émotion est exclue" ; un cycle implacablement recommencé, qu'illustrera Otto Dix dans Der Krieg plus d'une dizaine d'année après la fin des combats.

Henri Montassier, L'Heure a découvert la machine à finir la guerre, 1917
Cette guerre, ajoute Léger, est aussi un laboratoire des limites de l'expérience du corps humain. Augmentation, résistance, transformation, mutilation, réparation, résilience, la guerre exige beaucoup des corps qu'elle mobilise. Elle exige également beaucoup des sociétés qui s'y sont engagées, en mécanisant les corps sur les lignes de production d'armement, et la représentation artistique elle-même. La mise en pièce du corps a en réalité débuté un peu plus tôt dans la peinture d'avant-garde. Mais la guerre est l'occasion d'une conjonction bien réelle entre le monde humain et celui des machines, qui fera jusqu'à sortir le cubisme de son cadre comme le note encore Léger observant Verdun. À la mécanisation des corps, s'ajoute une vitalisation des machines. Dans le monde mort du front, un avion allié devient un papillon, un mortier une grand-mère. Dans l'image, le mythe d'un corps artificiel s'illustre avec Voici la fille née sans mère de Francis Picabia (1916-1917), celui de la statue animée est évoqué par les mannequins chez De Chirico. Les allers et retours entre mécanomorphisme et anthropomorphisme traversent également le dessin de presse, la caricature, le théâtre ou la littérature.

Luc By, Le rêve de l'inventeur, 1917
Cette confusion du corps et de la machine se constitue en réalité de manière doublement paradoxale, non seulement à travers une opposition entre la mécanisation des corps et la vitalisation des machines, mais également entre la satire et la glorification. Le corps-machine moderne devient un but que l'art (la peinture mais aussi le théâtre ou la danse) doit par exemple permettre d'atteindre. Marinetti, dans le Manifeste de la danse futuriste (1917) affirmera ainsi "[qu']il faut imiter le geste, les mouvements des moteurs, faire une cour assidue aux volants, aux pistons, préparer la fusion de l'homme et de la machine et arriver ainsi au métallisme de la danse futuriste." Avec L'esprit de notre temps (tête mécanique) en 1919, puis dans un texte de 1921 appelé Économie de prothèses, Raoul Hausmann formulera une critique très vive de la pensée mécaniste dominante. Cette critique est également palpable dans l'œuvre d'Otto Dix à la même période. Les humains s'y réparent jusqu'à l'absurde. Dans un contexte qui a alors gardé de la guerre un très vif intérêt pour la production industrielle en série et le synchronisme du travail à la chaîne, le corps-machine forme la condition préalable d'une utopie mais aussi d'une dystopie.

On peut imaginer en quoi l'anthropologie qui se dessine, à la suite de cette première guerre moderne, trouve dans nos inquiétudes contemporaines un écho bien familier. La technologie, dans son rapport au corps, y occupe à la fois un rôle salutaire et une menace. Au moment où nombre de chercheurs s'interrogent sur ce que la technologie fera de l'humain, en nous augmentant au risque que nous perdions notre humanité, le souvenir de la Grande Guerre n'aura sans doute pas fini de nous opposer ses fantômes.

Pour aller plus loin : 
Livres : Claire Garnier, Laurent Le Bon, 2012, 1917, Centre Pompidou - Metz - sur Amazon.fr
Les cahiers du Musée d'art moderne - Hors série, 1990, Fernand Léger - Une correspondance de guerre, Centre Georges Pompidou

vendredi 3 février 2012

Technologies symboliques et anthropomorphisme


J'aurai le plaisir d'intervenir dans le séminaire animé par Carlo Severi : L'image rituelle, Agentivité et Mémoire. La séance sera consacrée aux technologies symboliques et à l'anthropomorphisme.

Mercredi 14 mars, de 14 h à 17h - Musée du quai Branly, 75007 Paris, salle 2

mardi 7 décembre 2010

France Culture - Le champ des Possibles

Quels humanoïdes pour quels humains ? J'aurai le plaisir de participer à l'émission de Joseph Confavreux, Le Champ des Possibles, sur France Culture, ce vendredi 24 décembre à partir de 18h20, en compagnie d'Emmanuel Grimaud. L'émission abordera quelques-unes des nombreuses questions touchant aux robots humanoïdes.

samedi 20 novembre 2010

L'automate et ses secrets

Lorsqu'on aborde l'histoire de la robotique, on est bien souvent confronté à une même chronologie, teintée d'évolutionnisme culturel, qui dresse une sorte de généalogie des machines et de leurs concepteurs. Cette histoire, pour intéressante qu'elle puisse être, cherche généralement ses premiers principes dans la mythologie grecque et la Bible. Elle aborde ensuite les réalisations de Héron d'Alexandrie, celles des horlogers du Moyen-Âge, le naturalisme de la Renaissance, avant de se consacrer aux automates des XVIIIème et XIXème siècles, et enfin, à l'ébauche d'une robotique scientifique et à ses développements contemporains. Une histoire linéaire en somme, qui se développe sur le principe d'une progression constante des moyens et des idées dont l'issue est, paradoxalement, un retour vers le temps du mythe, à travers la création d'une créature vivante... 

Ce paradoxe n'en est en fait pas un. Et si l'on s'intéresse d'un peu plus près à certains éléments de l'histoire des automates, on constate rapidement qu'un des enjeux la traversant se fonde moins sur la création de la vie que sur l'apparence de cette création ; qu'en fait, cet art de l'imitation ferait d'abord naître la vie dans l'œil du spectateur. Souvenons-nous d'un épisode, généralement montré comme un exemple à ne pas suivre, dans cette longue histoire des créatures artificielles.

Lorsqu'on évoque aujourd'hui Wolfgang von Kempelen, une des premières choses qui vient en tête est son célèbre automate joueur d'échec. L'objet de von Kempelen passe pour un des plus grands canulars de l'histoire des automates, et il reste peu de choses des autres réalisations du mécanicien hongrois, malgré l'ingéniosité dont il lui a fallu faire preuve pour les concevoir. Le joueur d'échec, qui était en fait un objet animé par la main d'un homme, suffit à porter le discrédit sur l'ensemble du travail du mécanicien. On continue aujourd'hui à étudier la méthode utilisée par von Kempelen pour mettre en oeuvre son illusion, mais on s'est assez peu intéressé à ses effets, alors qu'ils constituent un cas exemplaire, quoiqu'un peu daté, d'interaction entre un humain et une machine au travers d'une expérience de type Wizard Of Oz. 



Si l'on s'intéresse à la correspondance échangée autour de cet objet, on voit qu'il provoque deux sortes de réactions. Une première porte à croire en la réalité de ce qui se passe ; que l'objet est réellement capable de jouer une partie contre les adversaires les plus qualifiés et qu'il réagit de manière appropriée, et parfois un peu excessive, en fonction de ce qui se passe dans le jeu. On reprochera d'ailleurs à son inventeur d'avoir conçu une machine diabolique. Certains se signeront en voyant l'objet s'animer et vaincre ses opposants. Une seconde réaction, plus éclairée, formule une série de questions sur l'astuce employée par von Kempelen pour faire bouger l'objet ; un secret dont le mécanicien admettra l'existence sans jamais, cependant, en révéler le contenu.

Les démonstrations du joueur d'échec se succèdent et laissent dans l'incertitude bon nombre de savants européens. Il faudra attendre la mort de son concepteur avant que le secret de son fonctionnement ne soit transmis, et que la déception ne prenne progressivement le relais de la curiosité. Le joueur d'échec, après avoir été vendu à un autre mécanicien, Johann Maelzel, et après avoir traversé l'atlantique avec lui, sera finalement relégué au rang d'objet de fête foraine, continuant ainsi à susciter un temps cette curiosité si caractéristique, mêlée de crainte et d'émerveillement, avant de disparaître. 

Pour aller plus loin :
Film : Le joueur d'échec de Raymond Bernard (1927) - Extrait sur Youtube
Livre : Jean Eugène Robert-Houdin, 1858, Confidences d'un prestidigitateur, une vie d'artiste